Interview De Mme Ingrid Geray Et Pr Thierry Troussier
Interview de Madame Ingrid Geray, avocat, membre du comité exécutif, enseignante université Paris Cité, et Professeur Thierry Troussier, médecin de santé publique et sexologue, Responsable de la Chaire. Membres du Comité pédagogique de Com’Santé sexuelle
Qu’est ce qu’une Chaire UNESCO ?
Une Chaire UNESCO est un instrument de coopération entre les institutions d’enseignement supérieur et de recherche et l’UNESCO qui promeut la coopération internationale interuniversitaire à travers des accords de jumelage et de partenariat entre des établissements d’enseignement supérieur et des universitaires du monde entier.
Pourquoi avoir créé une Chaire qui associe la santé sexuelle et les droits humains ?
Les chiffres liés aux comportements sexuels et aux violations des droits humains, dans le monde, demeurent alarmants.
Plus de 16 millions d’adolescentes accouchent chaque année et 3 millions d’entre elles subissent des avortements à risque. En outre, 70% des femmes sont victimes de violence au cours de leur vie. Mais encore, d’après les estimations préliminaires de l’OMS pour 2012, le nombre de nouveaux cas pour les quatre infections sexuellement transmissibles (IST) curables, parmi la population 15-49 ans, est de 441 Millions par an.
Ces indicateurs constituent des défis pour les sociétés, à travers le monde.
La sexualité, de chacun, relève du domaine de l’intime et du secret. Toutefois la sexualité individuelle intéresse la collectivité dans la mesure où elle peut mettre en difficulté le développement durable de l’humanité. Il convient donc d’œuvrer pour améliorer la santé des populations et plus précisément la santé sexuelle qui se définit comme un « bien être lié à la sexualité ».
La prise en compte de la sexualité reste encore très souvent réduite à la pathologie ou à la prévention des maladies et une approche positive et globale basée notamment sur l’éducation sexuelle est nécessaire.
Cette approche positive et globale de la sexualité dans le respect des droits humains constitue notre objectif.
Bien que la communauté internationale reconnaisse la nécessité de respecter, d’appliquer et de promouvoir les droits humains dans toutes les composantes de la sexualité afin de permettre le développement de la population, les barrières politiques, religieuses et idéologiques, mais également financières apparaissent comme des freins.
C’est dans ce contexte que la Chaire UNESCO/Réseau UNITWIN de Santé sexuelle & Droits humains, sous la responsabilité du Docteur Thierry Troussier, a été créée en 2010 au sein de l’Université Paris-Diderot. Ses objectifs et ses missions sont au carrefour de la santé publique et de l’éducation.
Comment fonctionne la Chaire UNESCO Santé sexuelle & Droits humains?
La Chaire UNESCO est indépendante et autonome des institutions et des laboratoires de santé privée. Elle ne reçoit aucun financement de l’UNESCO et les membres, professionnels de disciplines diverses, médecins, psychologues, sociologues, juristes…interviennent bénévolement pour mettre en œuvre les projets qui s’inscrivent dans les objectifs du développement durable (ODD).
Pourquoi lier les Droits humains à la santé sexuelle?
Les ODD ne peuvent être atteints sans respect des Droits Humains qui constituent le fil conducteur de toutes les actions de la Chaire. Le respect, l’application et la promotion des droits humains contribuent à impacter positivement les indicateurs de la santé sexuelle et de la santé en général.
Comment articulez-vous vos actions principales avec les objectifs du développement durable (ODD) ?
L’éducation, objectif n°4 des ODD, est mis en œuvre à travers l’enseignement national (diplôme en Education et Conseil en Santé sexuelle et Droits humains de l’Université Paris-Diderot) et au niveau international avec notamment les formations de formateurs menées en Afrique sub-saharienne avec des ONG locorégionales.
Mais encore nous finalisons actuellement un cours international sur la santé sexuelle et reproductive en lien avec les droits humains, en direction des prestataires de santé publique et de soins, en partenariat avec la Fondation Genevoise pour l’Education Médicale et la Recherche (Centre de collaboration avec l’OMS).
Enfin nous développons un réseau d’enseignement et de recherche au travers d’accords cadres inter-universitaires dans les cinq régions du monde.
Nos actions de formations sont destinées, principalement, à promouvoir l’égalité de genre, l’accès aux soins de santé sexuelle et reproductive et la prévention du VIH et des IST, objectifs n°3 et n°5 des ODD.
La Chaire intervient en prioritairement en direction de la région Afrique et dans des contextes difficiles.
Sous quelle forme est assurée la coopération Nord-Nord, Nord-Sud et Sud-Sud ?
Cette coopération est mise en œuvre à travers des actions de formation avec l’organisme de Com’santé sexuelle. Des formations internationales sont co-construites entre les formateurs de Com’Santé sexuelle et des formateurs d’autres régioons du monde et plus particulièrement des formateurs de la région africaine. Ainsi, depuis 2014 en partenariat avec « Expertise France » (Esther), la Chaire et des formateurs du pays du Sahel ont dispensé un enseignement en santé sexuelle et droits humains pour des prestataires de soins en contact avec des personnes vivant avec le VIH, regroupant 9 pays d’Afrique et Haïtti.
Une partie de la formation était consacrée aux droits humains appliqués à la santé sexuelle et avait pour objectif de permettre aux participants de connaître les principaux standards, textes internationaux et régionaux relatifs aux droits humains, de comprendre les mécanismes d’application des conventions et traités internationaux et d’identifier les droits humains qui permettent de promouvoir et protéger la santé sexuelle.
Afin de mettre en application les acquis, il a été organisé un jeux de rôle de simulation de procès concernant des activistes homosexuels engagés dans la lutte contre le sida, interpellés à l’occasion d’une réunion dans un lieu privé et poursuivit pénalement pour homosexualité. Les participants ont été partagés en 3 groupes : le jury, la défense des accusés, et les représentants de l’Etat.
Les débats qui ont mis en exergue la confrontation des valeurs culturelles et les normes locales et internationales, ont permis l’incorporation des déterminants complexes auxquels sont exposés les professionnels de santé. Cet enseignement basé sur les outils de l’entretien motivationnel permet d’accompagner la prise de conscience des différents systèmes de valeurs et des transformations nécessaires par une construction collective qui tient compte des contextes sociaux culturels et d’une réflexivité de la pratique.
Les participants convaincus de la nécessité d’appliquer les droits humains dans leur pratique professionnelle ont rédigé une chartre pour sceller leur engagement dans ce sens.
Contact :
www.santesexuelle-droitshumains.org
Ils nous ont fait confiance.
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